Ils ont parlé de nous...
Les chroniques de Jean Dessorty
Chronique publiée le 11 mai 2019
Un jardin public tout ce qu’il y a de banal, un banc à l’abri des arbres où en toute quiétude se reposer pour lire, rêver, papoter de tout et de rien… mais aussi, hélas, devenu au fil du temps le lieu de vie d’un SDF aussi ombrageux et velléitaire que bourru au grand cœur… C’est son refuge bien à lui, agrémenté de son chrysanthème avec lequel il dialogue, son chez-soi aux yeux de tous, sur lequel il dort chaque soir calfeutré dans un vieux manteau « qui pue mais qui tient chaud », un personnage devenu familier à la gardienne qui le couve d’un œil bienveillant… C’est là aussi que débarque un jour à l’improviste un cadre apparemment bien sous tous rapports, costard et cravate, mais à la dérive et qui s’apprête à faire « le saut de l’ange sans les ailes » depuis un petit pont en surplomb… Là aussi qu’une bourgeoise encore fringante habillée du dernier chic dans sa robe longue fleurie se love pour lire, ou relire, un volume d’À la recherche du temps perdu, contexte oblige, titre particulièrement raccord avec ces puzzles de vies en suspens.
La vie va, texte de Didier Larnaudie dans une mise en scène de Myriam Gauthier, par la compagnie Papillons, une émanation des Cap Nanas, une troupe dont on a déjà vu plusieurs spectacles, nous proposait hier dans la petite salle cosy du théâtre du Chariot à Bourran une variation toute de nostalgie douce-amère, de gouaille rageuse, de fraternité induite et de foi en l’avenir sur le temps qui passe, « cicatrise les plaies ou enveloppe d’oubli »… Où les relations humaines sont faites de chair et de larmes, de rires et de surprises, de passions, de joies, de peines…
Les quatre acteurs, dont l’auteur, mettent énormément de sincérité et de présence pour incarner ces êtres humains entre fragilité et espoir, en quête, chacun à sa façon, de tendresse et de chaleur, d’écoute mutuelle voire de complicité à partager… Les comédiens, très homogènes, installent d’emblée cette atmosphère où chaque geste, chaque mot compte pour rompre la solitude des uns, le mal de vivre des autres ou le spleen de tous. La musique enlevée qui rythme chaque acte, ajoute une tonalité toute de douceur bienvenue pour donner à cette comédie des couleurs pastels de destins en devenir où « vivre l’instant est ce qui compte le plus »… Ce que Jean Cocteau résumait ainsi : « Le verbe aimer est difficile à conjuguer, son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif et son futur est toujours conditionnel ». Une représentation qui manquait parfois de fluidité, une première c’est toujours délicat, mais une pièce de théâtre riche de sensibilités qui est encore à l’affiche ce soir, toujours à 21 heures, même lieu.
Centre Presse – vendredi 10 mai 2019
Une nouvelle troupe prend son envol à la salle du Chariot
Papillons est une émanation de la compagnie Cap Nanas qui poursuit sa route sur Arvieu et les environs depuis une quinzaine d’années. Didier Larnaudie à l’écriture et Myriam Gauthier à la mise en scène, assistée de Pierre Dubois, prennent aussi part au projet de la troupe Papillons.
« Nous avions envie de changer de registre pour ne pas faire seulement de la comédie tout en prenant le nom de Papillons pour garder de la légèreté. C’est un challenge. Nous avions envie d’explorer les sentiments », explique Jean-François Richard, l’un des comédiens de ce nouveau projet avec Lolo et Caro. Cette première pièce La vie va sera jouée les 10 et 11 mai à partir de 21 heures à la salle des Comédiens au Chariot.
« Ce sont quatre personnes qui vont se reconstruire », résume Jean-François Richard.
Une histoire, ou plutôt des histoires, où une rencontre suffit à bouleverser la vie. « Un SDF rugueux et bienveillant, un paumé des beaux quartiers redécouvrant la vie, une gardienne de parc gouailleuse et rêveuse, une belle des bois endormie, tous se rencontrent, bouleversent leurs vies. Les rires succèdent aux larmes et les moqueries ne sont que des préludes à la bienveillance. Des rencontres qui laissent un goût amer ou au contraire d’autres qui subliment, la vie quoi. » Tel est le speech qui parle à tout le monde. D’où l’intérêt de venir découvrir cette pièce. Et de soutenir ces comédiens amateurs qui osent s’engager sur scène, donc dans la vie ! « Au départ, il y avait l’envie de bouger le territoire, d’où Caplongue, Cap Mômes… C’est bien de faire venir des artistes, d’amener la culture en milieu rural mais c’est aussi bien d’être capable d’y entrer dedans. Cela donne encore plus de sens à ce que l’on fait », conclut Jean-François Richard. Faire par soi-même, être acteur (de la vie) en somme. Un acte militant indispensable comme l’est la culture.